19 juin 2012

Ciel mon fasciste !

À sa une du 13 juin, le Canard Enchaîné, journal que j'aime beaucoup au demeurant, a publié un petit article à propos des législatives dans la troisième circonscription du Vaucluse, alias Carpentras-Sud, alias « chez les fachos ». Je ne le retranscrirai pas, des fois que l'ACTA finisse par passer, je pourrais me faire emmerder ... Mais pour résumer, le « Canard » reprochait vertement à Mme Arkilovitch, candidate PS, de refuser de se désister en faveur de M. Ferrand, candidat UMP, de sorte que celui-ci pût l'emporter sur la désormais célèbre Marion Le Pen. Il mentionnait également le peu d'entrain que mettaient les instances du PS en Vaucluse à faire appliquer la consigne venant de Paris. Les élus locaux signalaient en effet qu'ils n'avaient aucune envie de faire une fleur à l'UMP quand son candidat à Arles se désistait en faveur du FN pour faire tomber M. Vauzelle, député PS sortant. Ils soulevaient aussi la difficulté d'annoncer à leurs électeurs que le PS se retirait alors qu'il est si rare de le voir au second tour d'une élection dans ce département. Le « Canard » ponctuait l'article de cette pique assassine : il serait tellement plus simple d'expliquer à la France entière que l'on a fait entrer une Le Pen à l'Assemblée !
Ce n'est pas la première fois que ce journal publie des articles où il fustige les électeurs du FN, ou encore où il martelle la nécessité absolue d'empêcher ce parti d'accéder à quelque mandat que ce soit, et ce y compris s'il faut se compromettre avec le camp opposé. Le « Canard » n'est pas le seul média à diaboliser ainsi le FN — pour employer le terme consacré — il est simplement le seul que je lis.

Et à la longue, j'en ai assez. Non pas que je sois un farouche partisan du FN. Ceux qui me connaissent savent que j'en suis très loin. Pour ceux qui ne me connaîtraient pas, je navigue électoralement entre le Front de Gauche, Europe Écologie, et le Parti Pirate. Seulement il se trouve que je vis depuis un an à Carpentras. Et même dans un quarrtier « défavorisé » de Carpentras : comprendre, la moitié de la population est d'origine maghrébine plus ou moins récente, et accessoirement de confession musulmane plus ou moins extravertie. Je ne vais pas raconter mes déboires en détail : ce serait trop long, et je m'attends toujours à la réaction de celui qui n'a jamais connu une telle situation, visant à mettre en doute mon honnêteté intellectuelle et ma capacité à faire la part des choses. Alors je me contenterai de citer quelques exemples frappants, de ceux qui m'ont fait prendre conscience que les convictions politiques à base de tolérance souffrent méchamment à l'épreuve de certaines réalités.
J'ai assisté une nuit à un incendie de voiture. Les jeunes qui ont fait ça ne se sont pas contentés de brûler le véhicule, ni d'insulter copieusement son (sa ?) propriétaire. Non, ils se sont sentis obligés de caillasser les pompiers venus éteindre l'incendie. La police a fini par les disperser au flashball. Puis ils sont passés devant ma fenêtre et j'en ai très distinctement entendu un dire « va chercher la voiture, y'a des cartouches dans le coffre ». Ne sachant pas encore à ce moment-là qui avait tiré en premier lieu, je me suis dépêché d'aller me cacher derrière des volets.
Je peux comprendre qu'on me trouve étroit d'esprit quand je tique de voir que la plupart des hommes d'un certain âge dans mon quartier portent la jellabah. Je suis d'accord que faire une loi sur le voile intégral quand cela ne concerne que quelques milliers de personnes paraît un peu dérisoire, et on est en droit de penser qu'il ne s'agit là que d'une vile manœuvre démagogique pour racler les voix du FN. Mais franchement, voir une gamine de quatre ans en tchador, ça fait mal !
Trois à quatre fois par mois, je me fais traiter de sale Juif car je porte un chapeau noir — italien, soit dit en passant, et le précédent était arlésien — et que j'ai une barbe, vaguement difide. Pour ce que je vis dans une ville avec 40 % d'électeurs du FN, vous seriez en droit d'être surpris que ces remarques ne viennent jamais, et je dis bien jamais, d'un « Français de souche » : il n'y a que les jeunes Maghrébins pour m'insulter à cause de mon origine ethno-religieuse supposée.
Un jour, une femme de ma famille est passée à la maison. Puis quand elle est repartie, elle a vu de jeunes Maghrébins assis près de la porte, et naturellement leur a dit bonjour. C'est tout aussi naturellement que ces derniers l'ont gratifiée d'un « Salope ! » bien senti pour toute réponse.
Ces anecdotes sont toutes parfaitement authentiques, et aucune n'a été enjolivée pour l'occasion. Non, non, même pas le coup des cartouches dans le coffre ...

Alors je ne pense pas que voter pour le FN soit la solution. Car le FN, c'est aussi la remise en question de certains principes démocratiques, l'apologie du christianisme, et une autarcie difficilement envisageable à court terme.
Mais peut-être qu'il serait temps que les partis dits « parlementaires » admettent que le vote FN est un vote de conviction, et que la plupart de ces électeurs sont des gens comme vous et moi, et non de gros fachos nostalgiques du Troisième Reich. Et peut-être qu'il serait temps que ces partis se demandent pourquoi ces gens votent pour le FN et qu'ils leur proposent une alternative crédible aux solutions proposées par le FN.
Il serait peut-être temps que l'on admette dans le débat public qu'il y a un problème avec une partie de la population d'origine maghrébine, et que ce problème doit être résolu, d'une manière ou d'une autre. J'insiste sur ce point : je ne suis pas contre l'immigration, je pense que c'est dans l'ensemble plutôt une bonne chose ; mais le fait est qu'il y a de la part d'une partie de la population arabo-musulmane de France un refus de s'intégrer et une tendance tenace à l'incivilité que l'on ne rencontre pas chez les immigrés d'origine européenne , asiatique, ou d'Afrique noire. Et le même problème se rencontre chez une partie de la population rom. Pour être plus précis, ce sont généralement les immigrés de troisième génération qui posent un problème : ils sont Français, veulent jouir des droits qui découlent de cette nationalité, mais sans se plier aux devoirs y afférant.
Peut-être qu'il serait temps de laisser tomber l'angélisme selon lequel il faut accepter toutes les cultures. Non, même s'il faut se montrer ouvert d'esprit pour ne pas se racornir sur soi-même, on n'est pas obligé d'accepter n'importe quelle culture. Notamment, quand une culture crache sur les fondements de la loi de la République — l'égalité entre hommes et femmes, inscrite dans la Constitution, pour ne citer que celui-là — cette culture doit être farouchement combattue sur le sol de la dite république. Et ce n'est pas parce que nous-mêmes n'appliquons pas encore ces principes aussi à plein que nous le devrions que nous avons à tolérer que d'autres gens, que nous avons la bonté d'accueillir sur notre territoire, les rejettent en bloc : lorsque Laurence Ferrari est allé en Iran, elle a mis le voile, car c'est ce que veut la loi locale !
Il serait peut-être temps aussi que l'on reconnaisse dans les milieux parisiens bien informés que même si c'est de la jalousie, il est légitime qu'un certain nombre de gens voient d'un mauvais œil les milliards dépensés dans le seul but de calmer les turbulentes populations des cités en leur offrant autant de confort que faire se peut — le nom officiel, c'est « ministère de la Ville » — quand dans le même temps le moindre bled de mille habitants en région parisienne (Chamarande, par exemple) est mieux desservi par le RER que nombre de chef-lieux de département ne le sont par le train : Gap, Digne, Guéret ...

Pour résumer, les électeurs du FN ne sont pas tous des néo-nazis antisémites et anti-démocratiques. Nombre d'entre eux sont simplement des laissés pour compte de la politique jacobiniste de la France, qui voient leur propre lieu de vie se faire envahir par des gens dans la culture desquels ils ne se reconnaissent pas, et qui ne font eux-mêmes aucun effort pour s'adapter à la culture du lieu où ils s'installent. Et pour cette raison, ajouté du fait d'avoir vécu une partie de leur calvaire, je n'accepte pas qu'on en parle comme des monstres amoraux qu'il faudrait bannir de la vie politique et empêcher d'exprimer leur désarroi.
Marion Le Pen est une élue du peuple, et si elle fait bien son travail de faire remonter au niveau national les aspirations de ses électeurs, elle est aussi légitime que n'importe quel autre député. Et je m'interroge sur la légitimité de l'Alliance centriste qui avec moins de 1 % des voix au premier tour a autant de sièges que le FN qui en a ramassé plus de 13 % ...

3 juin 2012

Circonvenir le circonflexe

Dans l'article précédent, j'avais mentionné le fait que l'orthographe française pourrait mériter un toilettage, afin de la débarrasser des principales scories qui rendent son apprentissage difficile, sans pour autant perdre les bénéfices à la lecture d'une orthographe complexe. Sans me lancer dans une réforme générale de l'orthographe, qui de toute manière serait vouée à l'échec tant la transition serait rude, il est un point sur lequel je voudrais m'appesantir : l'accent circonflexe.

L'usage actuel : un fouillis sans nom.

Pour cette partie, je m'appuie beaucoup sur l'article de Wikipédia, qui brosse fort bien l'ensemble du tableau, sans en oublier les coins.

On peut distinguer quatre usages à ce diacritique, d'importance variable.

L'amuïssement d'une lettre.
Il s'agit là de l'usage le plus connu, qui consiste à garder graphiquement la trace d'une lettre qui ne se prononce plus depuis bien longtemps. C'est le plus souvent un -s- qui a disparu, comme dans « forêt », ou « arrêter ». Mais ce peut également être un -a- comme dans « âge », un -e- comme dans « sûr », ou encore un -x- dans « dîme ».
Cependant, malgré l'habitude de transcrire les anciens -eu- prononcés [y] par un -û- (comme dans « sûr »), l'accent a été supprimé dans tous les participes passé en -u comme « su » ou « plu ». Enfin, presque tous, voir plus loin. Et le participe passé de « avoir » s'écrit toujours « eu ».
Une autre exception notable est le maintien de la forme « il est » lorsque l'on attendrait « il *êt », en accord avec « être » et « vous êtes ».

Une différence de prononciation.
L'accent peut également signaler une prononciation particulière de la voyelle qu'elle porte. Par exemple, « pâte » n'est pas censé se prononcer comme « patte », même si cette distinction est en passe de disparaître en France métropolitaine. De même, en français standard, -ô- représente un [o] fermé comme dans « crapaud » : cette prononciation peut venir d'un -s- amuï, mais pas forcément, elle peut aussi venir d'un oméga grec. Enfin, le -ê- a une prononciation exactement équivalente à un -è-. De ce fait, l'accent circonflexe n'est en principe pas conservé dans les mots dérivés quand la prononciation change : on écrit « cône » avec un [o] fermé, mais « conique » avec un [ɔ] ouvert.
Il y a cependant des exceptions : « bêtise » est prononcé avec un [e] fermé, mais l'accent circonflexe est tout de même présent pour marquer la présence d'un ancien -s-.

Un diacritique à proprement parler.
Dans quelques cas, le circonflexe ne sert qu'à distinguer entre deux mots de prononciation exactement similaire mais de sens différent. On trouve par exemple le participe passé « dû » qui sert à le distinguer du déterminant « du ». Ou encore, la P3 de l'imparfait du subjonctif ne se distingue de la P3 du passé simple que par la présence d'un accent circonflexe, et ce pour tous les verbes.
On ne fait cependant pas la distinction entre « plu » venant de « pleuvoir » et « plu » venant de « plaire », alors même qu'elle serait tout à fait justifiée.
À noter également que le verbe « haïr » ne porte pas de circonflexe là où on l'attendrait dans d'autres verbes, à cause de la présence plus importante du tréma.

Une pure convention.
Dans certains cas, le circonflexe ne peut s'expliquer par aucune des origines précédemment citées. On écrit « suprême » pour donner plus de prestige au mot. La présence, justifiée par l'étymologie, d'un circonflexe à la P5 du passé simple a été étendue par analogie à la P4. Et quelques mots comme « traître » portent un circonflexe par analogie avec d'autres mots proches.

La réforme de 1990 a tenté de simplifier le fonctionnement ... sans grand succès. Si l'on suit cette réforme, le circonflexe n'est plus obligatoire sur -u- et sur -i-, sauf dans les terminaisons de passé simple et de subjonctif imparfait, et en cas d'homonymie. Ouf ! Autant dire que cela ne change pas grand chose ...

Comme on le voit, il est difficile de s'y retrouver, surtout en raison des exceptions. Comment simplifier la chose, alors ? Pour commencer, le circonflexe par pure convention n'a pas de raison d'être, et le plus simple est encore de le supprimer. On pourrait dès lors écrire <nous chantames l'éloge du héros suprème qui sut déjouer les plans du traitre> et la lecture n'en serait pas plus difficile. Ni plus simple d'ailleurs. En revanche, cela ferait quelques points de détail en moins à apprendre.
Ensuite, l'idéal serait de restreindre le circonflexe à un seul de ses usages actuels, et alors d'en régulariser l'usage en éliminant autant que possible les exceptions.

Le circonflexe phonétique.

C'est à mon sens la plus mauvaise des solutions.
J'ai déjà dit dans l'article précédent qu'une orthographe se doit, à mon sens, de pouvoir retranscrire les différentes variantes phonétiques de la langue. Or, donner au circonflexe une valeur purement phonétique, ou tout simplement conserver la valeur phonétique du circonflexe, va à l'encontre de cette idée.
L'orthographe française conserve des graphèmes multiples pour des phonèmes exactement semblables sur tout le territoire, comme -eau- et -aud, ainsi que des graphèmes semblables pour des prononciations différentes, comme -en- qui se prononce généralement comme -an-, par exemple dans « prendre », mais se prononce comme -in-, dans « référendum » ou dans nombre de toponymes (« Rabastens ») ou d'anthroponymes (« Janssens »). Alors pourquoi conserver une distinction graphique entre deux variantes de -a-, lorsque la dite variante a presque disparu du français de France ? Pourquoi noter graphiquement la distinction entre [o] fermé et [ɔ] ouvert, lorsque ces deux phonèmes sont des allophones sur la moitié du territoire ?
Sur cette question, je prendrai l'exemple de la norme classique de l'occitan. Créée par Louis Alibert dans les années 1930, c'est une orthographe qui a pour but de transcrire l'occitan de telle sorte qu'un même mot soit écrit de la même façon sur tout le territoire, quelle que soit la prononciation exacte dans la variante locale. Ainsi, on écrira « porta », que l'on soit à Toulouse où l'on prononce « pourto », à Toulon où l'on prononce « pouorto », à Nice où l'on prononce « pouorta », à Sète où l'on prononce « pourta » ou à Pau, où l'on prononce « pourte ». Cette norme a fait ses preuves, puisqu'elle a réussi à s'imposer sur le plus gros du territoire occitan, même en Béarn où la graphie fébusienne, plus proche de la prononciation réelle, était fortement ancrée.
C'est pourquoi je suis d'avis d'appliquer, au moins en partie, le même principe au français. Écrivons <trone>, et laissons chacun libre de le prononcer [tRon] ou [tRɔn] ou encore [tRɔnə]. De même, écrivons <ame>, qui est plus proche de la prononciation de la plupart des Français, et n'empêchera pas ceux qui prononcent [ɒm] de continuer à le faire. Le problème qui émerge est celui du -e- : il sert à transcrire à la fois -é- et -è-, qui peuvent être des allophones, mais aussi le -e- dit muet — qui se prononce dans certaines variantes — et le son habituellement transcrit par -eu-, comme dans « je ». La solution est peut-être d'utiliser la notation -é- pour transcrire les sons actuellement notés par -é-, -è- et -ê- et la notation -e- pour transcrire le -e- muet et celui de « je ». On écrirait alors <féte>, que l'on prononce [fɛt] comme dans le Nord, [fɛtə] comme dans le Sud, ou [fet] comme en Corse.

Le circonflexe étymologique.

Conserver une graphie archaïsante, uniquement pour garder une trace du passé, ce serait stupide. Il faut que cela se justifie autrement, par exemple pour conserver un lien graphique entre mots d'une même famille, ce qui facilite la lecture (cf. l'article précédent). C'est ce qui justifierait de conserver l'orthographe « arrêt », pour maintenir le lien avec « arrestation ». Il faudrait cependant régulariser cet usage, qui est actuellement trop pollué par de multiples exceptions. Comment faire ?

Le circonflexe grec.
Il s'agit de celui que portent nombre de mots qui viennent d'un ancien oméga, par exemple « cône » ou « diplôme ». Il faudrait alors le rétablir dans tous les mots qui ont cette origine, mais où il n'est pourtant pas présent, par exemple « axiome » devrait alors s'écrire <axiôme>. Il faudrait également le rétablir dans les mots dérivés, comme « conique », qui deviendrait <cônique>.
Cela ne me paraît cependant pas nécessaire, ni judicieux. Il est plus simple de faire disparaître le circonflexe là où il existe : le lien graphique avec les mots de la même famille serait alors rétabli, et les mots comme « axiome » redeviendraient normaux. De plus, un changement dans ce sens affecterait moins de mots.

Une lettre disparue.
Dans le cas du circonflexe qui garde le souvenir d'une lettre disparue, il s'agit de trouver la limite à ne pas dépasser dans l'étymologie. Faut-il écrire <aimêe>, pour rappeler le -t- disparu de « amata » en latin ? Cela paraît évidemment excessif. Aussi cette notation devrait être réservée aux mots dont tout ou partie du reste de la famille lexicale a conservé la lettre disparue. Par exemple, on conserverait « forêt » pour faire le lien avec « forestier », ou encore « bâtir » pour faire le lien avec « bastide ». En revanche, il n'y a aucune raison de conserver l'accent circonflexe de « bête », puisque toute la famille utilise le même radical : « bêtise », « bêtisier », « bêtement », etc. On ne perdrait en rien le lien étymologique avec les autres mots de la famille en écrivant <béte>, <bétise>, <bétisier>, et <bétement>. Il en va de même pour « côte » et ses dérivés (ce qui permettrait d'ailleurs de régulariser l'orthographe de « coteau »), pour « dîme », ou pour « même ». De même, il ne serait pas nécessaire de conserver le circonflexe de la P5 du passé simple, puisqu'elle n'a aucun dérivé, ni le circonflexe du verbe « être », puisque ses dérivés sont écrits comme dans « étant ».
Quelques mots sont un peu plus difficiles. Faut-il conserver l'accent sur « île » pour conserver le lien avec « insulaire », alors même qu'aucun autre mot de la famille n'a conservé le -s- ? Ou bien faut-il considérer que « insul- » est un radical aussi différent de « îl- » que « hépat- » l'est de « foie » ? Je pencherais plutôt pour la seconde solution.
Par ailleurs, il faudrait l'introduire dans d'autres mots, comme « édit » pour maintenir le lien avec « édicter », sauf à considérer que le circonflexe marque exclusivement la présence d'un ancien -s-. Mais dans ce cas, il serait plus judicieux de ré-introduire le -s-, qui ne serait alors qu'une lettre muette parmi tant d'autres.

Le circonflexe diacritique.

C'est surement là que l'accent circonflexe est le plus directement utile : permettre de différencier au premier coup d'œil deux homonymes. Mais il faudrait alors en régulariser l'usage.
Ainsi, il faudrait écrire d'un côté <plu> et de l'autre <plû> pour distinguer les participes passés de « pleuvoir » et de « plaire ». Mais dans le même temps, il faudrait corriger certaines orthographes aberrantes : ainsi, « il est » devrait devenir <il êt>, dans le but de maintenir la distinction avec la conjonction « et ». Il faudrait aussi corriger le participe passé « eu », dont la graphie archaïsante ne se justifie pas par un lien avec le reste de la conjugaison de « avoir », en <û>, de manière à le distinguer de la simple lettre « u ». Encore que son usage extrêmement courant pourrait suffire à faire la distinction : c'est déjà le cas du pronom « y ».
Comment choisir quel mot devra porter l'accent ? Je crains qu'il ne soit pas possible d'édicter une règle générale. Il est en effet tentant de décréter que le mot le moins courant portera le diacritique. Mais s'il apparaît clairement que la préposition « sur » est plus courante que l'adjectif « sûr », en revanche c'est l'adjectif féminin « sûre » qui est plus courant que l'adjectif féminin « sure » : ce qui impliquerait, pour être parfaitement rigoureux, qu'un même adjectif change d'orthographe selon son genre et son nombre, ce qui n'est pas souhaitable.
Par ailleurs, se pose la question de savoir s'il faut étendre la présence d'un tel circonflexe à tous ses dérivés. Il n'y a pour l'instant pas d'usage fixé : on écrit « mûrir » mais « dues ». Cela pourrait être parfois assez lourd : si l'adjectif « pâle » se doit d'être distingué du substantif « pale », il paraît en revanche assez fastidieux d'étendre le circonflexe à « pâlir », « pâlotte », « pâlichon », etc. qui ne risquent pas d'être confondus avec un homonyme. Cela ne se justifie que pour « pâli », qu'il faut distinguer de la langue « palie » et pour « pâlot », qu'il faut distinguer du « palot » que l'on roule. On peut alors décider qu'un accent circonflexe se transmet à tout le paradigme, si et seulement si le mot de base porte un circonflexe discriminant. Par exemple, on écrira <dû> pour le différencier de <du>, mais également <dûe(s)> et <dûs> pour maintenir la cohérence au sein du paradigme, mais <dument>. De même, on écrira <âge> pour distinguer de <age>, mais on écrira <agé> : ou mieux, c'est l'instrument aratoire qui s'écrira <âge>, puisque « âge » est beaucoup plus courant, et possède des dérivés. En revanche, on conservera la distinction entre « dites » le présent et « dîtes » le passé simple, sans étendre le circonflexe au reste du paradigme. Idem pour la distinction passé simple / subjonctif imparfait.
Il reste un problème dans le cas où trois mots différents s'écrivent pareil : par exemple « jeune » l'adjectif, « jeûne » le substantif, et « il jeûne » ou « il jeune », ou « sur » la préposition, « sur » l'adjectif et « sûr ». Je n'ai pas trouvé de solution satisfaisante. De même pour les formes de « haïr » qui attendraient un circonflexe.

En guise de conclusion.

S'il ne fallait conserver qu'une seule des propositions ci-dessus, je choisirais la troisième. Mais la deuxième peut avoir son intérêt aussi.
Alors se pose la question de comment les combiner. Il faudrait leur donner un symbole différent à chacune. Pour le circonflexe étymologique, on pourrait utiliser à la place un tilde : c'est un symbole qui n'est plus utilisé de nos jours que dans des mots étrangers, mais qui autrefois servait à marquer l'omission graphique de tout ou partie du mot. Pour le circonflexe diacritique, on pourrait utiliser plutôt un accent grave : c'est déjà ce symbole qui sert à distinguer « a » de « à », « la » de « là » et « ça » de « çà ».

Il reste un dernier accent circonflexe dont il n'a pas été question, c'est celui de « piqûre » : il sert à signaler la présence ancienne du digraphe -eu- prononcé [y], mais surtout à marquer le fait que le -u- ne fait pas partie du digraphe -qu- mais doit se prononcer à part. Et dans un tel cas, c'est un tréma qu'il faut normalement utiliser. Ce qui donnerait <piqüre>, ce qui n'est pas gênant.

Pour terminer, voici ce que donnerait un texte écrit en suivant les préceptes indiqués ci-dessus.

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Comme vous pouvez le constater, la différence n'est pas flagrante avec l'orthographe actuelle : la transition ne serait pas difficile. Il est à noter que « sous » et « été » n'ont pas d'accent grave car ils sont bien plus courants que <soùs> le pluriel de « sou » et que <èté> la saison.